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Dossier complet rédigé par Alexis Hunot pour la sortie du coffret de l'Intégrale Betty Boop en DVD

 

 

 

HISTORIQUE BETTY BOOP

 

Le 9 août 1930 apparaît sur une scène de cabaret un personnage féminin qui ressemble à un chien (à cause de ses longues oreilles), elle y chante une chanson dont le refrain se termine par la phrase Boop Boop a Doop. Elle n’a pas de nom et n’est pour l’instant que la petite amie de la star du studio Fleischer : Bimbo. Ce jour là, sans s’en rendre compte, les Frères Fleischer viennent de donner naissance à la plus grande star féminine de l’animation du 20ème siècle : Betty Boop.


Dizzy Dishes (1930)

Le film s’appelle Dizzy Dishes et c’est le 7ème film de la série des Talkartoons. On doit sa création à Myron "Grim" Natwick, qui dira par la suite : « J’ai juste dessiné un petit chien à qui j’ai rajouté des jambes de femmes et ce qui est devenu des boucles d’oreilles par la suite étaient d’abord des longues oreilles. Je crois que je me suis inspiré du French poodle pour avoir une idée simple du personnage. ». Il dira aussi qu’il s’était inspiré d’Helen Kane, la « Boop Boop a Doop Girl ».

Betty Boop, fille d’immigré Yiddish d’Europe, (Minnie the moocher, 1932) impose très rapidement sa présence. Dès sa quatrième apparition dans un Talkartoons (The Bum Bandit, 1931), elle fait jeu égal avec Bimbo. C’est d’ailleurs dans le film suivant Silly Scandals (1931) que l’on apprend son vrai nom : Betty Boop (elle était appelé Nancy Lee dans Barnacle Bill (1930). C’est aussi en 1931 que Betty trouve sa vraie voix. Jusque là, quatre actrices avaient prêté leur voix à Betty, c’est alors que Max Fleischer découvre Mae Questel, quelques mois après qu’elle a été engagée par la Paramount lors d’un concours d’imitation d’Helen Kane. Mae Questel restera jusqu’au dernier épisode de Betty.

Il n’y avait pas que la voix qui avait eu du mal à se trouver, car le physique de Betty se modifiait de films en films. Il faut dire que les frères Fleischer ne faisaient pas faire de Model Sheet pour leurs personnages (il s‘agit d’un document qui permet de créer une charte graphique pour un personnage), et ceux-ci pouvaient donc un peu changer d’aspect selon qu’ils étaient animés par tel ou tel autre artiste. Il n’est donc pas étonnant que dans un dessin animé comme Bum Bandit (1931) le nez de Betty passe du noir au blanc et du blanc au noir. Mais le changement le plus radical est le moment où Betty Boop devient une femme à part entière et troque ses longues oreilles contre des boucles d’oreilles. (Dizzy Red Riding Hood / Mask-A-Raid, Any Rags). Bimbo, quant à lui, ne change pas de physique et selon le dessin animé il peut être l’ami de Betty ou son compagnon d’aventure. Les deux sont souvent accompagnés de la première star de l’écurie Fleischer : Koko le clown de la série Out of the Inkwell. Après avoir pris la place de Bimbo dans le rôle principal des Talkartoons - série dans laquelle elle joue régulièrement depuis le 3 avril 1931, soit 8 mois après son premier film -, Betty Boop dont la popularité grandit de film en film va avoir sa propre série. Le 1er juillet 1932 et après quelques chefs d’œuvres (Bimbo’s Initiation, Minnie the moocher, Mysterious Mose…), les Talkartoons s’arrêtent pour laisser place aux Betty Boop Cartoons.


Et c’est le 12 août 1932 que le premier film de la série est montré sur les écrans, il s’agit de Stopping the Show dans lequel Betty Boop imite des chanteurs (dont Maurice Chevalier). En clin d’œil on peut voir un bout de la première partie du spectacle de Betty, assuré par un court métrage de Bimbo et Koko. Les chef d’œuvres s’enchaînent, dont Betty Boop Bamboo Isle (1932), I’ll be glad when you’re dead you rascal you, avec Louis
Armstrong (1932), et Snow White (1933), qui a été sélectionné par la Bibliothèque du Congrès pour être préservé.

Mais la carrière de Betty va prendre un tournant lorsqu’elle va se trouver dans la ligne de mire du fameux Code Hays. Betty est obligée de ralonger ses jupes, d’être moins sexy, mais plus que son apparence ce sont les rôles qui changent. Betty s’aventure beaucoup moins dans le non-sens comme dans Crazy Town (1932) ou dans le tendancieux Bimbo’s initiation (1931). On peut quand même retenir quelques grands films dans cette période, comme Betty Boop’s Rise to Fame, un best of de Betty, dans lequel on voit apparaître Max Fleischer, Stop that Noise , A language all my own, ou encore le premier et seul film en couleurs de Betty : Poor Cinderella . Elle s’essaye bien au comics mais sans trop de succès, la publication durera à peu près trois ans.

Dans les dessins animés, elle est rapidement épaulée par deux nouveaux personnages : un mignon petit chien du nom de Pudgy, et un savant du nom de Grampy. Petit à petit Pudgy prend la place de Betty, et celle–ci n’apparaît dès fois que de manière très rapide. Le dernier film de Betty Boop s’appelle Rhythm on the reservation (1939). Un mois après la série des Betty Boop, Cartoons s’arrête avec Yip Yip Yippy, dans lequel Betty n’apparaît pas. En 1970 ses films sont colorisés pour pouvoir passer à la télévision. Mais il faudra attendre presque 50 ans pour revoir Betty dans un nouveau film. Comme bon nombre d’autres stars du dessin animé, elle est conviée à participer à Qui Veut la peau de Roger Rabbit. Elle apparaît, en noir et blanc, dans le rôle d’une serveuse du cabaret où chante Jessica Rabbit.


Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Robert Zemeckis (1988)


Une série faite par ordinateur avait été annoncée en 2001 par Richard Fleischer et la compagnie Mainframe Entertainment, mais le projet n’a toujours pas vu le jour. Si Betty Boop est encore très populaire aujourd’hui - notamment grâce au merchandising - c’est pour ce aussi pour ce qu’elle représente. Elle est la première star féminine du monde de l’animation à s’affranchir du rôle de faire valoir d’un héros masculin, grâce à un mélange de liberté, d’autonomie, de gentillesse et à son coté sexy.


 

LES AMIS DE BETTY

Betty a rencontré de nombreux personnages lors de ses aventures mais il y en a quelques uns qui sont exceptionnels. Lorsque Betty arrive sur les écrans, elle ne joue pas les premiers rôles, elle est la petite amie de Bimbo. Ce dernier est une création des Frères Fleischer qu’ils veulent comme une réponse possible au Mickey de Disney, ce dernier commençant à prendre une place de plus en plus importante dans le monde de l’animation. Mickey arrive en effet un tout petit peu avant le cinéma parlant et pour le public il ne fait pas partie des stars du muet comme Félix ou Koko, même si le clown star des frères Fleischer fera le saut du muet au parlant, notamment dans certains Betty Boop, mais sa popularité ne cessera de diminuer. Il faut donc trouver un nouveau personnage !

Bimbo


Koko & Fitz

Les Fleischer ont introduit quelques années auparavant un chien aux côtés de Koko, du nom de Fitz, et en 1926 ils font jouer un chien, ce qui semble être le premier personnage parlant de l’histoire du cinéma. En effet dans le film My Old Kentucky Home , un chien joue du trombone puis s’arrête et dit « Follow the bouncing ball, and join in everybody ! » (« Suivez la balle rebondissante, et chantez tous! »). Il était donc normal que la nouvelle star des Fleischer soit un chien. C'est au début des années 30 qu’apparaît Bimbo dans la série des Talkartoons. Mais les frères Fleischer se rendent rapidement compte que Bimbo ne fait pas le poids face à la souris de Disney. C’est alors qu’apparaît Betty.

Au départ petite amie de Bimbo, le personnage de Betty s’avère très rapidement plus charismatique que Bimbo. Ce denier continuant à jouer dans les Talkartoons (même au moment du changement physique de Betty, il continue à jouer son ami ou son amoureux même si lui ne change pas d’apparence !) finit petit à petit par disparaître. Les deux autres personnages importants de la carrière de Betty sont conçus dans une même optique : celle de la remplacer ! Car depuis 1934 le code Hays devient de plus en plus strict et la Paramount qui distribue les films de Betty Boop demande aux Fleischer de calmer le ton de leurs films que certains jugent un peu trop sexy. Et cela va fonctionner puisque pendant plus de deux ans Betty ne sera plus seule au générique : du 18/10/1935 dans l’épisode Making Stars, jusqu’à l’épisode New Deal Show du 22/10/1937, elle partagera l’affiche, et lorsque Betty revient en tête d’affiche elle n’est de toute façon plus la même !

Grampy
Ces deux personnages sont d'abord un chien, cette fois ci un véritable animal de compagnie, du nom de Pudgy, et Grampy un scientifique. Le premier arrive le 21 septembre 1934 dans Betty Boop’s Little Pal, et le second un an après, le 16 août, dans l’épisode Betty Boop et Grampy (les Fleischer reprennent un personnage qu’ils avaient créé en 1932 dans Betty Boop for President). Grampy, un personnage qui a les faveurs de Max Fleischer (ils partagent le goût des inventions) ne va pas rester très longtemps. Bardé de son chapeau à idées, il participe à neuf épisodes de Betty Boop. Si dans les premiers films le personnage à un côté un peu loufoque, comme on peut le voir à sa manière de recréer une fête foraine en intérieur dans Grampy’s Indoor Outing (1936), très rapidement il se calme et aide Betty à régler des problèmes quotidiens. Il apparaît de manière très sporadique et fait sa dernière apparition dans Zula Hula, le 24 décembre 1937.

Pudgy, lui, va en revanche faire une grande carrière dans les Betty Boop Cartoons puisqu’il apparaît dans 23 épisodes entre 1934 et 1939. Mais c’est surtout à partir de More Pep (1936) où il apparaît seul au générique, que Pudgy devient l’acteur principal des Betty Boop cartoons. La trame est invariablement la même : on voit Betty dans la première scène et elle ne revient que dans la dernière ! Entre temps Pudgy se sera battu contre des chats, un renard en fourrure, des corbeaux, un autre chien, aura essayé de sympathiser avec les animaux de la forêt ou même de dompter des pigeons voyageurs ! Le personnage est adorable et fonctionne plutôt bien. Certains épisodes proposent même des moments assez absurdes : Pudgy se retrouve à l’intérieur d’un poulet qu’il essaye de voler dans You’re not built that way ou transformé en pain dans Ding Dong Doggie. L’un des meilleurs Pudgy est sans conteste More Pep (1936) dans lequel la ville entière (en prises de vues réelles) devient folle sous l’effet de vitamines - sorte de remake de Ha !Ha !Ha ! (1934) -. Malgré tout il est plutôt destiné à un jeune public, et non plus à un public adulte comme les premiers épisodes de Betty. Petit à petit la série s’essouffle, faute justement de trouver son public.

 


Pudgy


Koko le clown

Il est dit que la série s’arrête lorsque les studios Fleischer déménagent en Floride du fait que Mae Questel, la voix de Betty, veut rester avec sa famille sur la côte est. Le plus juste est sûrement que les spectateurs sont déçus par la nouvelle Betty Boop lorsqu’elle tentera de reprendre sa place d’actrice principale de sa série.
Tout au long des épisodes, Betty rencontrera d’autres personnages en plus de ces trois là, dont bien sûr Koko le clown mais aussi Freddy, a love interest ou Wiffle Piffle, un petit personnage qui essaye de la séduire…
 

 

BEHIND BETTY : GRIM NATWICK & MAE QUESTEL

 

A part les Frères Fleischer, deux personnes ont contribué au succès de Betty Boop : son créateur graphique : Grim Natwick, et sa voix : Mae Questel.


Grim Natwick

C’est donc sous le crayon de Grim Natwick qu’est née Betty Boop. Né en 1890 il étudie pendant plus de huit ans les Beaux-Arts, tout d’abord à Chicago puis à new York et enfin à Vienne. C’est en 1916 qu’il devient animateur pour le compte de l’International Film Service, dont le propriétaire était William Randolph Hearst. Le studio qui animait les bandes dessinées éditées par Hearst doit s’arrêter après la guerre pour cause de dettes, mais la production ainsi que les animateurs sont repris par John Terry puis après la faillite de ce dernier par la Bray production Studio dans lequel Grim Natwick rencontre les frères Fleischer. Et quelques années plus tard en 1928 il part travailler pour les frères Fleischer qui avaient entre temps fondé leur propre studio. C’est à cette époque qu’il crée Betty boop.

Grim Natwick n’arrive pas à rester dans un studio trop longtemps, il part donc travailler pour Disney en 1930 puis chez Ub Iwerks (qui après avoir créé Mickey a décidé de créer son propre studio) entre 1931 et 1934. Il retourne chez Disney en 1934 où il est animateur dans les Silly Symphonies, mais Grim Natwick reste surtout célèbre pour avoir été l’un des animateurs principaux de Blanche neige et les sept nains. Il revient chez les frères Fleischer pour participer notamment à l’aventure de leur premier long métrage : Les Voyages de Gulliver. En 1944 il part travailler aux studios de Walter Lantz (avec qui il avait travaillé auparavant chez Hearst) sur la série Woody Woodpecker jusqu’en 1947 pour ensuite s’associer à l’aventure UPA, où il anime Mr Magoo. Après UPA il doit se tourner vers les productions télé pour ne retravailler sur des long métrages qu’à la fin des années 70 grâce à Richard Williams qui après avoir réalisé Raggedy Ann & Andy: A Musical Adventure , l’entraînera dans son projet The thief and the Cobbler qui ne verra jamais le jour sous sa forme prévue (le film a depuis était sorti et retravaillé plusieurs fois). Grim Natwick, après une vie dédiée à l’animation, meurt peu après avoir fêté ses 100 ans.

 


Mae Questel

Betty Boop a eu plusieurs voix, mais une seule à réellement compté : celle de Mae Questel. Au départ Mae Questel ne se destine pas à devenir une actrice mais un jour alors qu’elle gagne un concours de sosie d’Helen Kane, la Paramount décide de l’engager pour la faire passer dans les cinémas RKO. Max Fleischer la repère lors d’une de ses représentations et décide de l’engager pour la voix de Betty. Elle sera Betty jusqu’au dernier cartoon de Betty Boop en 1939. Pendant le procès elle est obligée de dire qu’elle n’a rien pris à Helen Kane pour le rôle de Betty (un mensonge qui lui laissera énormément de regrets).

Mais il n’y a pas que Betty qui a la voix de Mae. En effet les Fleischer l’engageront pour faire la voix de la compagne de Popeye : Olive. A coté de ces deux grands rôles, elle fera une belle carrière à la radio et sortira même un disque "On The Good Ship Lollipop" qui se vendra à plus de deux millions d’exemplaires.

Lorsque les Studios Fleischer déménagent en Floride elle décide de rester à New York avec sa famille. Ce qui bien sur freinera sa carrière. Celle–ci est pourtant relancée lorsque les studios reviennent à New York (sans les Fleischer), la Paramount la réengage, notamment pour reprendre le rôle d’Olive… Elle jouera aussi dans Funny Girl et surtout dans le segment de Woody Allen de New York stories. L’année d’avant elle avait retrouvé celle qui l’avait rendue célèbre, en interprétant une dernière fois le rôle de Betty Boop dans Qui veut la peau de Roger Rabbit. Elle meurt en 1988.

 

BETTY BOOP : REALITE D'UNE EPOQUE

 

Certes Betty Boop est un personnage sexy, mais ce qui lui a permis de perdurer encore aujourd’hui c’est qu’elle a été l’un des premiers personnages animés à avoir une véritable conscience de ce qui l’entoure.

Cela vient certainement du fait de l’emplacement du Studios des frères Fleischer : lorsqu’ils créent Betty Boop, ceux-ci sont toujours installés à New York et cela influence leurs dessins animés. A l’inverse de Disney et de leurs autres homologues, la plupart des récits des Fleischer se situent en ville et non à la campagne. L’un des épisodes les plus significatifs de cela est Stop that Noise (1935), dans lequel Betty ne supportant plus les bruits de la ville décide de partir à la campagne. Mais très rapidement elle se rend compte que les bruits de la campagne lui sont encore plus insupportables et elle retourne en ville. Les personnages des Fleischer sont finalement assez proches de ceux de Chaplin. Dans Silly Scandals (1931) Bimbo est sans argent et est obligé de frauder pour rentrer voir Betty chanter.

Les Fleischer n’hésitent pas non plus à utiliser des images « violentes » : dans You try somebody else, un groupe d’animaux prisonniers finit sur des chaises électriques et continuent de sourire et de chanter alors qu’ils sont en train de griller… Le fait d’utiliser du jazz comme musique d’accompagnement n’est pas anodin non plus, les textes chantés par Cab Calloway et Louis Armstrong n’hésitent pas à parler de sexe et de drogue.

En plus de cet ancrage dans une certaine réalité, les Frères Fleischer ont fait de Betty un vrai personnage concerné par son temps, et c’est sûrement l’une des premières féministes du petit écran. Dès son troisième film The Bum Bandit (1931) Betty Boop ne s’en laisse pas compter par le bandit Bimbo et finit même par le battre. Dans Betty Boop for president (1932), elle devient président et dans A Hunting we will go (même année), elle refuse les fourrures que Bimbo et Koko lui offrent. Mais là encore le code Hays va tout bouleverser, car non content d’obliger Betty à se couvrir le haut du corps et à rallonger un peu sa jupe, ce qui par la même faisait disparaître sa fameuse jarretière, les Fleischer vont petit à petit édulcorer l’univers de Betty. Petit à petit ses films se passent à la campagne, ses rôles changent : elle devient maîtresse ou infirmière. En Europe la guerre se profile, aux Etats-Unis les films d’animation qui sont plébiscités sont plutôt ceux de Disney, parfaits techniquement et qui surtout ne sont pas liés à des problèmes quotidiens. Il est temps de faire rêver les gens et de les rassurer avant l’entrée en guerre. Betty Boop fait place dans l’écurie Fleischer à des personnages plus aptes à tranquilliser le public : Popeye et Superman...

 

LE CODE HAYS

 

En lui faisant perdre son coté sexy, le code Hays va définitivement modifier la carrière de Betty boop. Car le code Hays était conçu pour cela : enlever ce qui était "immoral" dans les films. Pourtant cette forme de censure ne vient pas du gouvernement mais de l’industrie cinématographique elle-même.

En effet, au début des années 1920, le cinéma montrait souvent de manière assez crue la violence et le sexe. Le public percevait alors Hollywood comme la ville du péché. Mais c’est surtout trois énormes scandales qui vont obliger l’industrie à réagir : le procès de Roscoe 'Fatty' Arbuckle, un comique très célèbre (qui a notamment joué et dirigé Buster Keaton) accusé du meurtre d’une actrice, le meurtre du réalisateur William Desmond Taylor et la mort de l’acteur Wallace Reid (Naissance d’une nation, Intolérance…) qui était devenu accroc à la morphine suite à la prescription de cette drogue par un médecin afin que celui-ci puisse terminer le film qu’il était en train de tourner. Ces trois histoires très médiatisées n’ont fait qu’amplifier le regard négatif du public sur les gens du cinéma.

Et c’est pour éviter que le gouvernement américain n’instaure lui-même une censure que l’industrie fonde en 1922 la Motion Pictures Producers and Distributors Association (qui deviendra par la suite la Motion Picture Association of America.). A sa tête, l’industrie nomme Will Hays (il avait été directeur de campagne pour le Président républicain Warren G. Harding). Il proclame des règles censées redonner une vraie morale, une véritable éthique au cinéma. Ces listes de « A ne pas faire… », n’empêchent pourtant pas les réalisateurs de faire les films qu’ils veulent. Mais après la grande dépression, sentant la colère du public monter, le MPPDA adopte le 31 mars 1930 un Code de la production basé sur trois principes importants :

- Aucun film produit ne doit abaisser les standards de morale des spectateurs, ou apporter le soutien et la sympathie du spectateur pour des personnages diaboliques ou criminels.
- Ne seront présentées que de normes correctes de la vie, du sujet, seulement aux conditions du drame et du divertissement.
- Les lois naturelles ou humaines ne doivent pas être ridiculisées et ceux qui les contournent ne doivent pas être traités avec sympathie.

Tout cela se développe en une série de règles classées sous différents chapitres : crimes contre la loi, sexe, vulgarité, obscénité, profanation, costumes, danses (mouvements suggestifs), religion, lieux (comme la chambre), appartenance nationale, titres des films, et sujets repoussants.

voir la traduction du Code Hays

Pourtant les années qui suivent ne changent rien et les films deviennent même de plus en plus crus (sexe et violence). Le cinéma bat chaque année des records d’affluence, mais une partie de la population se trouve de plus en plus choquée par l’immoralité de tous ces films. Et le 13 juin 1934 un amendement est voté, chaque film se devant d’obtenir un certificat d’approbation pour pouvoir sortir sur les écrans. Joseph Breen, un fervent catholique est envoyé à Hollywood pour faire respecter le code Hays. Sous sa présidence de Breen le code est de plus en plus respecté et les coupes se font de plus en plus nombreuses à commencer par une brève scène de nudité dans le film Tarzan et sa compagne (1934) (parmi les films « censurés » on peut noter Le Banni (The outlaw) d’Howard Hughes, à qui la commission a refusé le certificat car la promo du film s’attardait sur la poitrine de Jane Russell ; ou même Autant en Emporte le Vent, Selznick , son producteur, ayant dû payer une amende de 5000 Dollars pour pouvoir utiliser le mot « Damn ».)

Hollywood se conforme au code Hays jusque dans les années 50. Mais lorsque la télévision fait son apparition et que les spectateurs désertent les cinémas, les producteurs savent qu’ils vont devoir donner au public ce qu’il ne peut voir à la télé : sexe et violence.

De plus, l’intégration verticale dans l’industrie cinématographique avait été accusée d’aller contre la loi anti trust et les studios avaient du revendre leurs cinémas, ils n’avaient donc plus la possibilité d’empêcher la sortie de films étrangers sur le territoire américain.

En 1951, au lieu de rendre le code plus flexible, il devient encore plus dur, et de nombreux réalisateurs décident de ne plus le suivre quitte à ce que leurs films sortent sans le Certificat. C’est notamment le cas d’Otto Preminger (La lune était bleue - 1953) dont les films avaient de bon résultats au box office.

En 1966, deux films obligent Jack Valenti, le nouveau directeur de la MPAA, à abandonner le Code de Production. Tout d’abord Qui a peur de Virginia Wolf qui obtient le certificat d’approbation malgré un langage très cru, et Blow Up que la Warner décide de sortir sans le certificat.

En 1968 le MPAA adopte un système de “note” des films...

 

BOOP BOOP A DOOP : LE PROCES

 

La popularité de Betty boop ne plaisant pas à tout le monde, c’est en avril 1934 que la chanteuse Helen Kane - dont la célébrité commenceà décliner - intente un procès contre les Fleischer. C’est elle qui avait servi de modèle (non avoué à l’époque) à Grim Natwick pour créer le personnage de Betty. Elle prétend qu’en lui empruntant sa manière de chanter et notamment son fameux Boop Boop a Doop (c’est elle qui aurait chanté pour la première fois la fameuse chanson I wanna be loved by you créée en 1928) : par conséquent le personnage de Betty boop lui aurait enlevé sa popularité.

Le procès va se concentrer sur l’expression « boop boop a doop » et sur le chant d’Helen Kane, le juge ira même jusqu’à voir deux courts métrages de Betty boop et deux films d’Helen Kane ; il y a eu des témoignages indiquant que la fameuse phrase trouve sa source pour certains dans une chanson d’Edith Griffith, pour d’autres dans une chanson française. Le sténographe du procès ne savait plus comment écrire les différents « boop boop a doop » qui fusaient chaque jour. Les différentes actrices qui avaient donné leurs voix à Betty Boop vinrent témoigner qu’elle ne s’étaient pas inspirées d’Helen Kane. Pourtant la voix principale de Betty Boop, Mae Questel, avait été repérée dans un concours de sosie d’…Helen Kane !


C’est alors qu’à la Paramount, producteur et distributeur de Betty Boop, on découvre un film dans lequel la chanteuse noire Baby Esther interprète la fameuse phrase avant Helen Kane. Mais ils ont peur que le juge pense qu’il s’agit d’un faux (à l’époque les bandes sons sont enregistrées sur un disque à part et se désynchronisent de l’image assez facilement). Et la nuit d’avant le jugement Max s’enferme avec l’un des monteurs de la Paramount et parvient à insérer la bande son avec le film. Le lendemain celui-ci est projeté au juge, en complément le manager de Baby Esther vient témoigner qu’Helen Kane est venue voir Baby Esther dans son cabaret en 1928 ! Le 5 mai le juge décide de débouter Helen Kane en lui disant qu’elle n’avait pas fait la preuve que les Fleischer s’étaient approprié sa manière de chanter. Pourtant celle qui était appelée la Boop Boop a Doop Girl n’avait pas complètement tort, elle avait bien été l’une des principales inspirations pour la façon de chanter de Betty, mais de là à dire que le succès s’était envolé à cause de cela est moins évident !

Depuis, la célèbre phrase a été chantée par de nombreux chanteurs et chanteuses, mais une seule aura réussi a retrouvé le ton Boopien c’est bien sur Marilyn Monroe qui interprète la chanson dans le film de Billy Wilder Certains l’aiment Chaud (Some like it Hot -1959).

 

MERCHANDISING

 

Dès 1934, la célébrité de Betty Boop est telle que l’on pouvait déjà la retrouver dans les boutiques sous la forme de produits les plus divers : manteaux, tasses, cartes, montres, savons, jouets, bonbons, mouchoirs ou encore poupées… Sa renommée était si importante qu’il y a même eu une contrefaçon de la poupée Betty Boop.

Si à l’époque cette folie du merchandising était compréhensible, Betty Boop étant une véritable star du grand écran, le retour qu’elle fait dans les années 80-90 est plus surprenant. Ce n’est pas forcément du à son apparition dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ni même aux différents programmes qui sont passés lors de son 65ème anniversaire sur la télévision américaine. Le succès de Betty boop au niveau du merchandising est le même qu’à l’époque : car ce personnage, savant mélange entre candeur et icône sexy, plaît aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Il n’est donc pas surprenant de la voir aujourd’hui fleurir un peu partout. King features qui détient les droits d’images de Betty boop (c’est eux qui publiaient le comics Betty boop au milieu des années 30) l’appelle la « billion Dollar Betty » !


Savon Betty Boop

Plus de 500 licences dans le monde entier produisent des articles à l’effigie de Betty boop. Il y a toujours les poupées, les figurines, les cartes, les bonbons, mais aussi des billets de loteries, des perruques, des piercings. Sans oublier tous les produits qui utilisent son image pour faire de la publicité : Coca Cola, Chevrolet, une banque Japonaise, de l’eau minérale italienne…

Et même si Betty boop ne fait plus de films depuis bien longtemps son image continue de faire rêver des millions de personnes et c’est aussi à cela que l’on reconnaît les vrais stars.

 

FLEISCHER STORY

 

L’histoire des frères Fleischer est celle du seul studio qui aurait pu changer le visage de l’animation commerciale américaine du XXème siècle, et donc de son impact sur le grand public. En effet les Fleischer ont toujours été en avance d’une innovation sur Disney, mais comme le dit la fable « rien ne sert de courir il faut partir à point ». C’est ce qui fera la différence entre Fleischer et Disney.


Dave Fleischer

Max Fleischer

 

Originaire d’Autriche, les Fleischer s’installent à New York en 1887. Max est le second fils. C’est lui qui va être la tête pensante des studios Fleischer. Max Fleischer et ses frères rentrent dans le monde de l’animation lorsque Max invente le rotoscope. Avec l’aide de Joe à la fabrication et de Dave dans le rôle du clown, ils créent ensemble un film d’une minute : Experiment No. 1 (1915). Un jour, alors que Max attend dans les bureaux de la Paramount pour présenter son film, il rencontre un ami : J.R. Bray, l’un des pionniers de l’animation américaine. Celui-ci visionne et apprécie beaucoup le film de Max Fleischer. Puisque Bray possède déjà un contrat avec la Paramount, il propose d’engager Max dans son studio. Mais la guerre éclate et Max abandonne pour un temps son clown pour faire des films d’entraînement pour l’armée. Et début 1919 la guerre terminée, la série Out of the Inkwell peut commencer…


Deux ans après, grâce au succès de la série, Max s’associe à son frère Dave et crée la « Out of the Inkwell Films, Inc. ». La série durera jusqu’au début du parlant. Entre temps, Max réalise deux films sur sa passion pour la science : le premier porte sur la théorie de la relativité d’Einstein (1923), le second - qui contenait très peu d’animation - sur la théorie de l’Evolution de Darwin.

Puis dès 1924, grâce au procédé du Dr Lee Forrest, ils produisent les premiers films sonores, bien des années avant le Steambot Willy de Disney ! Cette année là ils forment la « Red Seal Pictures » avec l’aide d’Hugo Reisenfeld, propriétaire de plusieurs cinéma à New York et originaire d’Autriche comme Max. Ils inventent la Bouncing Ball et le premier personnage parlant de l’histoire du cinéma. Malgré toutes ces innovations la société couverte de dettes s’arrête en 1927. Un nouvel associé éponge toutes les dettes et décide de se nommer président de la nouvelle compagnie « Inkwell Imps », dont les films seront distribués par la Paramount. Mais après des problèmes entre les Fleischer et Weiss, la société s’arrête. Et dans la foulée est créée la compagnie « Fleischer Studios, Inc » dont les Fleischer sont obligés de laisser la Paramount être le principal actionnaire.

L’apparition du son laisse un bon nombre de studios d’animation sur le carreau, mais les frères Fleischer s’y étaient préparés depuis longtemps et dès 1929 ils créent une série nommée Talkartoons dans laquelle apparaîtra par la suite Betty Boop.


Max Fleischer et son personnage Popeye

Puis un tournant arrive dans la carrière des frères Fleischer avec leur adaptation du personnage de BD : Popeye. Le personnage plaît immédiatement et devient un vrai personnage populaire. Max et Dave Fleischer qui avaient jusque là prêté assez peu d’attention au scénario de leur court, construisent avec Popeye une structure narrative forte qui se retrouvera dans chaque épisode : Popeye a un objectif, le plus souvent il s’agit de sortir avec Olive en passant les obstacles, le plus souvent incarné par Bluto - ils se bagarrent et Popeye à la dernière minute avale sa fameuse boîte d’épinards et l’emporte. Les Fleischer calculaient même le temps que devait durer chaque portion d’action La formule est tellement bonne qu’elle servira plus tard à tous les grands films de Bugs Bunny, Tom et Jerry et d’une grande partie de la série Looney Tunes de la Warner. La série durera presque 10 ans !

Mais Max Fleischer veut concurrencer Disney qui au fil des années est devenu grâce à Mickey le studio d’animation le plus en vogue. Pour concurrencer Disney il commence une nouvelle série : Color Classics, dont le premier film est Poor Cinderella avec Betty Boop en 1934. Mais Max est obligé d’utiliser un procédé deux couleurs, Disney ayant l’exclusivité du Technicolor. Lorsque Max peut enfin utiliser ce procédé en 1936, il réalise l’un des chefs d’œuvres de la série : Somewhere in Dreamland.


Poor Cinderella (1934)
 

Somewhere in Dreamland (1936)

Mais les Fleischer sont décidemment en avance sur Disney, et en 1937 une grève frappe les studios Fleischer (4 ans avant celle qui atteindra les studios de Walt Disney). La grève va durer presque six mois, et Max Fleischer sera obligé de signer un compromis. Pour éviter que cela se reproduise, Max décide de déménager les studios en Floride. Mais ce déménagement est très coûteux car il faut payer le déménagement de tous les animateurs et leur offrir des primes. Cette entreprise va s’avérer désastreuse pour la production du premier long métrage des frères Fleischer. Car entre temps, Blanche neige et les 7 nains de Disney remporte un énorme succès commercial. Apres avoir une longue hésitation, les Fleischer décident de transposer à l’écran Les voyages de Gulliver.


Les voyages de Gulliver (1939)

Il leur faut faire vite car là où Disney a eu 4 ans et un million de dollars pour réaliser son film les Fleischer ne disposent que de dix huit mois et de 500 000 dollars. Malgré cela le film remporte un beau succès. Mais nous sommes à la veille de la seconde guerre mondiale et le marché européen est fermé. Pourtant Paramount demande un deuxième film aux Fleischer, qui sortira en 1941, le mois du bombardement de Pearl Harbour… Entre temps de nouvelles séries sont lancées mais sans grand succès. Et il faudra attendre la mi 41 pour de nouveau trouver un personnage important chez les Fleischer en la personne de Superman.


Superman (1941)

Cette série, commandée par la Paramount, Dave ne voulait pas la faire. Pour en dissuader les producteurs de la Paramount, il leur annonce un coût très élevé de production. Mais ils acceptent ! 19 épisodes de Superman sont ainsi réalisés, et la série est saluée comme une très grande réussite aussi bien au niveau de la réalisation que des scénarios. Encore aujourd’hui elle est considérée comme un achèvement important en matière d’animation.

Mais les Fleischer doivent encore 100 000 dollars à la Paramount qui décide de réclamer leur dette. Ne pouvant payer, les Fleischer sont renvoyés de leur propre studio. Paramount renomme la compagnie « Famous Studios », ils y produiront de nombreuses séries dont des Popeye. En ce qui concerne les frères Fleisher, ils ne s’entendent plus du tout et décident de partir chacun de leur coté. Max finira comme il avait commencé au Bray Studios. Quant à Dave il sera responsable du département animation à Columbia Pictures, puis script doctor à Universal.

Il aura manqué peu de choses aux Studios Fleischer pour concurrencer Disney sur la durée. Mais ce qui est peut-être le plus important chez ces artisans, c’est que leurs films ont influencé de nombreux animateurs à travers le monde, dont Osamu Tezuka au Japon, et continuent de réjouir le public des dizaines d’années après leur création !

 

OUT OF THE INKWELL : KOKO

 

Avant Betty Boop, Popeye, Superman, la première star du studio Fleischer a été Koko.

L’histoire dit qu’il apparaîtrait pour la première fois dès 1916. Mais les premiers films vraiment connus de Koko sont ceux réalisés juste après la première guerre mondiale au studio de J.R. Bray, l’un des pionniers de l’animation. Dès 1919, même s’il n’a pas encore de nom, le clown des frères Fleischer devient l’une des premières stars animées juste avant Félix le chat. La routine des Out of the Inkwell (Sorti de l’encrier) est toujours la même : une main, celle de Max Fleischer plonge une plume dans un encrier et se met à dessiner un personnage sur une feuille, celui-ci apparaît sous la forme d’un clown, et prend rapidement vie en faisant quelques mouvements, mais très vite il devient indiscipliné et décide d’ennuyer son créateur en s’échappant de sa page blanche pour venir dans notre monde.


Dans Invisible Ink (1921), Koko utilise de l’encre invisible pour s’enfuir et partir à travers la ville, il invite Max Fleischer à le suivre en suivant des flèches peintes sur le sol. Ce dernier est confronté aux facéties de sa créature, jusqu’à recevoir un vase sur la tête ! A la fin, comme toujours dans la série, Koko retourne dans l’encrier.


Depuis les débuts du cinéma d’animation les animateurs se sont montrés dans leurs films et ont interagi avec leurs créations (Winsor et Gertie le dinosaure …) mais c’est la première fois qu’un personnage de dessin animé se permettait de se mesurer au monde extérieur (quelques années après, Walt Disney empruntera le procédé inverse et c’est son héroïne, une petite fille du nom d’Alice qui se trouvera projetée dans l’univers des dessins animés !).

La force du personnage de Koko (c’est le nom qu’il prendra à partir du film The Laundry 1933-34), c’est qu’il s’agit du premier personnage de dessin animé à bénéficier de la technique du rotoscope. Ces mouvements fluides vont impressionner le public et les critiques plutôt habitués à des mouvements un peu hachés !

Koko va suivre les Frères Fleischer lorsque ceux-ci quitteront Bray productions pour monter leur propre compagnie appelée fort justement Out Of the Inkwell Films. Koko restera encore pendant quelques années leur star (c’est notamment lui qui lancera la fameuse Bouncing Ball dans sa série Ko-Ko Song Cartunes) puis il participera à quelques Talkartoons, et à plusieurs Betty Boop dont le génial Snow White. Cette série va permettre aux Fleischer d’expérimenter de nombreuses formes d’animation : la pâte à modeler, la pixillation, perfectionnement du Rotograph …


Koko, Kokette et Koko-nut

En 1962 Koko a le droit à une nouvelle chance de reconquérir son public au travers d’une série télé nommé … Out of the inkwell. Il est cette fois-ci accompagné d’un personnage féminin, Kokette, et d’un chien, Koko-nut ! Max Fleischer participera au premier épisode mais il se rend rapidement compte que la série, à l’animation très réduite, est loin du concept original. Il décide donc d’arrêter. La série comptera plus de cent épisodes et durera un peu plus d’un an.

A noter que les Fleischer utiliseront plusieurs fois la routine de l’encrier pour les dessins animés de Betty, notamment dans Betty Rise to Fame et Ha! Ha! Ha ! ; pour ce dernier elle est même accompagnée de Koko…

 

ROTOSCOPIE ET AUTRES INVENTIONS

 

Max Fleischer se passionnait autant pour la mécanique que pour l’animation. C’est donc tout naturellement qu’il fut l’un des premiers inventeurs de cet art naissant, devançant souvent le studio concurrent dirigé par Walt Disney.

Sa première invention, Fleischer la doit au rédacteur en chef du magazine dans lequel il dessine : le Popular Science Monthly.  A l’époque, les films d’animation, qui demandaient un travail énorme, avaient une technique encore très hésitante, et ce monsieur sûrement amateur de films d’animation mais assez peu satisfait de leur qualité parle à Max Fleischer et lui dit : Vous qui aimez les machines et l’art ne pourriez vous pas inventer une machine qui améliore la qualité de ces films ? Le temps de la réflexion et Max Fleischer invente : Le Rotoscope.

Il s’agit de filmer en prises de vues réelles et de projeter le film sur une vitre que l’animateur dessine et cela pour chaque image. Les premiers essais sont réalisés sur le toit de chez Max, celui-ci est derrière la caméra, alors que devant, Dave, habillé en clown et tout de noir vêtu devant un grand drap blanc, s’évertue à faire des mouvements très amples. Le procédé était certes très long, mais le résultat final permettait un mouvement parfait. Rapidement Max comprit qu’il suffisait de ne pas faire un ou deux dessins de temps à autre pour ne rien changer au résultat final, mais permettre un processus de fabrication plus court. Car bien sûr après avoir redessiné chaque plan il fallait les « encrer » puis les filmer.


Le Rotoscope
(cliquer pour agrandir)

Ce procédé, s’il ne plait pas à tous les animateurs, amène à penser que la création n’est plus laissée aux dessinateurs – pourtant, une vingtaine d’années après, Walt Disney s’en servira pour certaines séquences de Blanche Neige et les sept nains.

Ce procédé va être laissé à l’abandon pendant de nombreuses années jusqu’à ce que Ralph Bakshi, le créateur de Fritz the cat, l’utilise pour des raisons économiques, notamment dans son adaptation du Seigneur des Anneaux. Mais le procédé prouve son manque de créativité lorsque le même Bakshi réalise American Pop qui aurait pu être réalisé directement en prise de vues réelles. La rotoscopie semble revenir à la mode aux débuts des années 2000. Car grâce au numérique, le film transféré sur ordinateur peut être ensuite retravaillé de manière plus créative comme on a pu le voir en 2001 dans Walking Life de Richard Linklater ou encore dans la série Franco-canadienne Delta state (2004).

Après le Rotoscope, Max Fleischer invente le Rotograph, un procédé qui permet de faire interagir un personnage de dessin animé avec des acteurs dans un décor "live". La technique ressemble un peu au rotoscope : on filme d’abord la prise de vue réelle, puis on la projette sur une plaque de verre sur laquelle on applique le cellulo avec le personnage de dessin animé et on filme l’image des deux réunis. Puis on répète la manipulation jusqu’à obtenir une séquence comme dans l’animation traditionnelle. Une technique créée pour remplacer le travail laborieux que représentait le travelling matte à l’époque.

Ensuite, Max Fleischer s’attaque au décor. Aidé par le technicien des studios John Burks, il crée en 1934 une machine qui permet de filmer un personnage animé dans un décor en trois dimensions. Le personnage est dessiné sur un cellulo placé devant un décor en volume, et en arrière plan se trouve le fond du décor, le ciel, le tout pouvant légèrement se bouger. L’effet était très intéressant, donnant une véritable profondeur à l’image. Malheureusement, le décor difficile à manier rendait le travail très difficile aux animateurs qui n’arrivaient pas toujours à calculer la position des objets d’un plan à l’autre. On peut voir cet effet dans plusieurs court métrages des Fleischer dont un Betty Boop : Poor Cinderella et dans plusieurs Popeye.

Le procédé aurait sûrement mérité plus d’attention et de travail, car deux ans après c’est Walt Disney qui reprend l’idée et crée la caméra Multiplane, pour laquelle la prise de vue est cette fois ci à la verticale et le décor est constitué de plusieurs cellulos.

Mais l’une des inventions les plus surprenantes des frères Fleischer est l’ancêtre du karaoké : la Bouncing Ball.

Au départ l’idée était de faire chanter les gens dans les cinémas. Mais afin que le public qui ne connaissait pas la chanson ait aussi envie de participer, il fallait le guider à travers les paroles. L’idée retenue était simple un homme portant des gants faisait apparaître la balle sur le mot qu’il fallait chanter. Dès la première de Oh Mabel, premier film utilisant ce procédé, le succès est immédiat ! Par la suite les Fleischer iront encore une fois plus loin en animant les paroles, ou en faisant apparaître des personnages comme Koko sur l’écran.

 

MUSIQUE ET ANIMATION

 

La musique est primordiale dans le cinéma d’animation qui plus que de passer par la parole pour exprimer quelque chose passe par le rythme imposé par la création du mouvement.

Les Fleischer ont rapidement compris cette importance du son et de la musique dans l’animation. Bien avant Disney, les Fleischer faisaient des films sonores grâce au procédé Phonofilm de Lee De Forest, qui permettait déjà de coupler une bande musicale avec un film directement sur la pellicule. Les Fleischer l’ont utilisé abondamment, en utilisant notamment de la musique libre de droits. Jusqu’au jour où le syndicat des musiciens demanda au Fleischer d’arrêter d’utiliser des disques pour leurs films mais de demander à l’artiste de revenir en studio pour de nouveau enregistrer la chanson. Ce qui avait été au début pris comme une contrainte s’est finalement révélé utile quelques mois plus tard lorsque des artistes connus viendront enregistrer pour la série des Talkartoons.

Car en effet dans l’animation le son a rapidement été adopté, aussi bien chez les artistes « indépendants » comme Len Lye ou Oskar Fishinger, que dans les grands studios comme Disney.

Mais les Frères Fleischer ont, comme d’habitude amené quelque chose en plus, notamment en invitant de nombreux artistes à participer à leurs films. Les artistes n’étaient pas forcément payés mais les films leur servaient de « Bande Annonce ». En effet, une semaine ou deux avant leur passage dans une ville le court métrage était projeté dans les salles de cinéma. Pour Cab Calloway cela fonctionnait très bien. La force des Fleischer et d’avoir utilisé certains chanteurs très connus comme Rudy Vallee, Ethel Merman ou Maurice Chevalier.

Mais on retiendra surtout la participation de deux grandes stars du jazz : Louis Armstrong et Cab Calloway. Le premier a enregistré la chanson I’ll be glad when you’re dead you’re rascal you  pour le film éponyme. Quant à Cab Calloway il a fait trois films avec les Frères Fleischer dont deux au moins sont des chefs d’œuvres : Minnie the moocher (1932) et Snow White (1933) .

 

A chaque fois, la technique du rotoscope a été utilisée de manière a pouvoir bien redessiner les incroyables mouvements du Jazzman. Dans le premier il est représenté sous la forme d’un walrus (ce qui l’a fait beaucoup rire lorsqu’il a vu le film) et dans le deuxième c’est Koko qui prête son corps animé pour lui faire interpréter « St James Infirmary Blues »…

Bien évidemment les paroles n’étaient pas modifiées, et celles-ci comportaient souvent des choses assez crues ou en tout cas pour un public averti (drogue, sexe, alcool).

A noter que c’est grâce à Betty Boop que la chanson Just a Gigolo interprétée par la chanteuse française Irene Bordoni dans le dessin animé du même nom, débarquera aux Etats-Unis. Plus tard le titre sera repris par Louis Armstrong ou bien sur Luis Prima qui en fera un succès mondial.

Depuis, de nombreux chefs d’œuvres combinant intelligemment Animation et Musique ont été réalisés : Fantasia de Disney, Allegro non Troppo de Bruno Bozzetto en long métrages, et en court les films de Norman Mc Laren, des Frères Quay et de beaucoup d’autres.

 

L'ABSURDE EN ANIMATION

 

C'est en 1924 à travers son Manifeste qu’André Breton propose une définition du Surréalisme : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. Breton est notamment très inspiré des théories de Freud (qu’il rencontre en 1921)…

Si en Europe le surréalisme est d’abord né dans la littérature ou la peinture, aux Etats-Unis la liberté de ton que confère l’animation permet le développement d’une telle pensée. Et les Fleischer vont être parmi les premiers à l’installer notamment dans la série Out of the inkwell.

Ont-ils été réellement influencés par les textes surréalistes ? Il est difficile de le dire mais de toute évidence une grande partie de leurs dessins animés semblent avoir été réalisés « en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale  ». Si dans Out of the Inkwell la folie est déjà présente, dans l’épisode Koko’s Earth Control (un des films préférés de Matt Groening, le créateur des Simpsons), le clown et son chien, après avoir déclenché de nombreuses catastrophes naturelles, finissent par détruire la Terre !

Dans les Talkartoons cette folie va encore plus loin : les personnages bougent de manière invraisemblable, se transforment, et les décors semblent avoir leur propre vie. Dans Swing you Sinners, Bimbo se retrouve confronté à des squelettes et des fantômes dans un cimetière (poussant encore un peu plus loin l’idée un an après l’incroyable Skeleton Dance de Disney).

 



Mais c’est dans des chefs d’œuvre comme Crazy Town, Bimbo’s Initiation (des Talkartoons), ou bien Ha ! Ha ! Ha !, Snow White (des Betty Boop Cartoons) que les Fleischer s’en donnent à cœur joie : les oiseaux nagent et les poissons volent, les coiffeurs vous font repousser les cheveux, les personnages portent des chaussures sur la tête et des chapeaux aux pieds, les maisons sont prises de fou rire et ce ne sont pas les trains qui se de déplacent mais les paysages. Les objets inanimés, chers à Lamartine, ont bel et bien une âme dans les productions des Frères Fleischer !

Avec la réussite de Snow White au box office, les Frères Fleischer mettent de côté leurs délires visuels, et dès 1938 aussi bien chez Betty que chez Popeye, la qualité technique remplace ces délires.

Il faudra attendre que Bob Clampett, Chuck Jones, Tex Avery réalisent des dessins animés à la MGM et à la Warner pour retrouver ce vent de folie...

 

ANIMATION ET SENSUALITE

 

Dès le début de l’animation, comme dans tout art, l’homme s’est essayé à la pornographie. Mais c’est dans l’art de l’érotisme et de la suggestion que se sont distingués les frères Fleischer, ils n’ont peut-être pas été les premiers mais ils ont créé le vrai premier sex-symbol de l’histoire de l’animation : Betty Boop.

Dès ses premiers films, Betty, pourtant sous la forme d’un chien, dévoile son fort tempérament aussi bien dans sa manière de danser - dans  Dizzy Dishes (1930) -, que dans son tempérament amoureux - dans Barnacle Bill (1930)-. Dans ce même dessin animé la jupe de Betty remonte et refuse de descendre !

A partir de ce dessin animé les vêtements de Betty, avec l’aide des Fleischer, semblent dotés de leur propre vie.

Dans Mysterious Mose, le troisième film de Betty Boop, celle-ci, effrayée par des ombres et des bruits bizarres, ne peut pas s’endormir ; pour traduire la peur de Betty, sa chemise de nuit « s’enfuit », la laissant nue, heureusement protégée par ses draps !


Betty Ups and Down (1932)

Dans Betty Ups and Down (1932), l’apesanteur disparaît de la Terre et la jupe de Betty en profite pour s’envoler, bien des années avant celle de Marilyn Monroe ! Dans Any Rags (1932) et Poor Cinderella (1934), elle perd le haut de sa robe pour se retrouver en soutien gorge ! Dans The Old man of the mountain (1933) elle perd même complètement sa robe, heureusement derrière un arbre ! Lorsque ce ne sont pas ses vêtements qui lui jouent des tours, ce sont les décors, comme dans Red Hot Mama (1934), où Betty en chemise de nuit passe devant des feux qui laissent apparaître sa silhouette. Et les animateurs de Betty Boop se permettront même de la faire apparaître topless pendant 1 image (1 seconde en contenant 24, il faut vous munir de votre télécommande…) dans l’épisode Betty Boop’s Rise to Fame (1934) lors d’un changement de costume. Le coté sexy des cartoons de Betty Boop ne tient pas seulement au physique de Betty mais aux nombreux sous entendus qui parsèment certains épisodes, le plus célèbre, et l’un des plus coquins, étant Bimbo’s Initiation (1931), dans lequel elle tente de faire adhérer Bimbo à un club mystérieux et visiblement très particulier !

Si le code Hays a finalement eu raison de la sexy Betty, son image aujourd’hui est bien celle de la Betty originelle. C’est d’ailleurs la seule qui se mesure à Jessica Rabbit, tout en restant en noir et blanc ! Et lorsqu’une chaîne de télévision américaine lance une nouvelle série animée (Drawn together) qui parodie la télé réalité et qu’elle cherche des personnages symboles de l’animation, on retrouve Betty sous la forme du personnage Toot Braunstein, toujours en noir et blanc.

Malgré le fait que de nombreux personnages sexy ont été conçus depuis, - la Red Hot Riding Hood de Tex Avery, Jessica Rabbit (dans Qui veut la peau de Roger Rabbit), ainsi que de nombreux personnages forts : Olive (de Popeye), ou encore Princesse Mononoke -, finalement peu de personnages, sauf peut-être dans les séries japonaises, ont su comme Betty Boop allier le coté sexy et une forte personnalité.

C’est pour cela qu’aujourd’hui encore Betty Boop est considérée comme l’un des seuls vrai sex-symbol du cinéma d’animation, voire du cinéma en général !

 

LES HEROÏNES EN ANIMATION

 

Dès les débuts du cinéma d’animation, les femmes ont été très nombreuses à travailler dans ce secteur, mais la plupart du temps leur fonction était moins prestigieue que celle des réalisateurs ou animateurs, elles se situaient le plus souvent à l’étape du gouachage. Il y a bien sûr quelques contre-exemples, comme Lotte Reininger, réalisatrice du 2ème long métrage animé en 1926. Derrière la caméra c’est un peu la même chose, il y a beaucoup de personnages féminins en animation mais souvent dans des rôles secondaires - rarement des héroïnes -, il faut dire que dans le monde des toons les héros sont plus souvent des animaux que des êtres humains !

Puis Betty Boop arrive sur les écrans en 1929 et très rapidement elle éclipse Bimbo et Koko pour devenir le rôle principal de la série des Talkartoons des Frères Fleischer. C’est d’ailleurs encore chez eux que l’on rencontre un autre personnage féminin important : Olive, la compagne de Popeye.



Olive

Ensuite c’est le triomphe de Blanche Neige, les personnages féminins vont alors se transformer en fées ou en princesse (la fée bleue de Pinocchio, Cendrillon …) ou en personnage maléfique (Cruella dans Les 101 dalmatiens, ou Madame Mim dans Merlin l’enchanteur). Le reste du monde ne déroge pas à la règle !

Il faudra attendre plusieurs dizaines d’années pour de nouveau trouver des personnages intéressants, avec de nombreux seconds rôles dans des séries télé, voire des premiers comme dans les Flinstones (Les Pierrafeu). Mais c’est du Japon que vont arriver les personnages, et notamment les héroïnes des films de Miyazaki Hayao : Nausicaä (1984), Kiki la sorcière (1989), le réalisateur japonais se fait même champion des personnages féminins très forts.

 

 

Et à partir de la fin des années 80 alors que de plus en plus de femmes deviennent réalisatrices, les personnages féminins vont enfin accéder à tous les rôles : les héroïnes (Sally - L’Etrange noël de Mr Jack, le Major Motoko Kusanagi dans Ghost in the shell, Mulan), les méchantes (la sorcière de Kirikou, Yubaba dans Le Voyage de Chihiro…), les princesses (Fiona dans Shrek, Anastasia), les Vamps (Jessica dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Holli Would dans Cool World), et enfin les mères de famille (Marge Simpson)…

Malgré le fait que désormais les héroïnes féminines peuvent tout interpréter, aucune n’atteint le statut de star acquis par Betty Boop…