Le dernier film qui nous vient de la maison de Production d’Arnaud Demuynck « Les Films du Nord » est la première œuvre d’un jeune réalisateur, Gilles Cuvelier, et a pour nom Chahut. Le film raconte l’histoire d’un carnavaleux qui à son réveil s’aperçoit que les rues sont désertes. Un film magnifique qui se dessine à coups de contrastes et de poésie, une esquisse de l'Absence sur un air de carnaval et de silence.

Le charme de Chahut résulte de la place accordée au vide, au silence, à l'absence. Il dessine les émotions en creux, en négatif. La solitude et la bonhommie de ce clown impassible façonnent une atmosphère de doux désespoir, et le spectateur est pris dans l'errance du personnage, tenu en haleine par ce silence, comme pour mieux l'écouter... A l'instar de ce clown errant, il cherche, écoute, traque le moindre mouvement, et respire enfin lorsque l'air de carnaval reprend, avec une sorte de soulagement...
La profondeur du film tient à la simplicité des affects et de la réflexion qu'elle suscite : Chahut semble s'ancrer avec poésie dans une dimension symbolique, la chute est claire et superbe, sans doute parcequ'on peut la percevoir de plusieurs manières, et parceque malgré tout elle représente cette fois-ci le plein, l'intégrité, la présence par l'absence.

Judith -

Chahut
France - Gilles Cuvelier - 11mn
2005 - Animation - couleur
Réalisation et scénario : Gilles Cuvelier
Production : Les Films du Nord
Animation : Gilles Cuvelier, Gabriel Jacquel,
Nicolas Liguori, Samuel Guénolé, Guérault Bruyère
Image : Gilles Cuvelier
Son : Fred Meert
Décors : Yann Vilain
Mixage : Luc Thomas
Musique : Michel De Rudder
Format de projection : 35mm


En intégralité !
 
 
 

Rencontre avec ce jeune talent très prometteur.
(l'interview dans son intégralité un peu plus bas !)

Jeune peut-être mais si vous avez regardé attentivement les génériques des courts des Films Du Nord son nom vous dit peut-être quelque chose : «  J’ai été assistant animateur dans L’Ecrivain, j’ai fait les décors du Portefeuille, été assistant réalisateur et animateur de Bonhommes, puis assistant réalisateur, et je me suis occupé de la charte graphique de Signes de vie ». Car les Films du Nord c’est un peu comme une famille, et les rôles s’intervertissent, un réalisateur devient animateur dans le film d’un autre qui avait été le décorateur de son film… Alors comment rentre-t-on dans cette famille ? « J’étais venu pour faire un stage de deux semaine, nous dit Gilles Cuvelier, j’en ai profité pour montrer un dossier que j’avais fait sur un film que je voulais réaliser, c’était Chahut. Arnaud l’a lu et m’a dit vouloir le produire et en attendant il m’a proposé de travailler dans les productions en cours ». L’idée de Chahut est venue « d’un exercice aux Gobelins, j’avais griffonné un personnage qui allait devenir celui du film.» (comme on peut le voir sur les planches de recherches).

Et pour l’histoire, Gilles plonge son personnage dans son Nord natal « le carnaval de Dunkerque m’a toujours fasciné, même si je n’y suis jamais allé. J’ai commencé à faire mon storyboard sans savoir où j’allais. Au bout d’une semaine il était terminé, j’avais trouvé une fin. Je serais incapable de faire cela aussi rapidement aujourd’hui ! ». Puis, lorsqu’Arnaud Demuynck lance la préparation du film Gilles se déplace à Dunkerque pour faire les repérages, pour coller à l’architecture locale et mieux s’imprégner de l’ambiance du carnaval, car même si Chahut « n’est pas un film sur le carnaval, tout au long du film, il y a quelques éléments propres au Carnaval que les habitués peuvent reconnaître… ». L’une des nombreuses forces du film en plus de son personnage si attachant, ce sont les couleurs et les lumières qui donnent une atmosphère tout particulière… « En fait au départ le film était plus sombre, mais lors des repérages il s’agissait d’un jour d’hiver radieux ! On a fait le parcours qu’effectue le personnage dans le film. Et les lumières et les couleurs sont finalement très inspirées de ce que l’on a vu ce jour là ». Le travail d’équipe y est aussi pour beaucoup « Le film doit beaucoup au décorateur Yann Vilain qui a su apporter quelque chose de plus. C’est ce qui est bien lorsqu’on travaille en équipe et qu’on s’entend bien on n’hésite pas à communiquer, à échanger et cela est bénéfique pour le film »

Alors qu’il travaille déjà sur le prochain film d’Arnaud Demuynck et qu’il pense à son prochain film qui aura toujours pour cadre le Nord, Gilles savoure sa sélection au Festival d’Annecy «  C’est une immense joie. J’ai vraiment connu l’animation à travers le festival, on y voit tellement de films et c’est l’occasion de rencontrer les grands noms de l’animation. Je suis vraiment ravi ». Son Chahut nous a tellement plu, espérons qu’il puisse en faire un du tonnerre lors du palmarès…


 

 

 

 

Toutes ces images sont protégées par le copyright © Les Films du Nord

 


Interview Complète

Qu’est ce qui t’as attiré dans l’animation ?
Tout vient du dessin. Je dessine depuis tout le temps et j’ai toujours voulu faire un boulot en rapport avec le dessin : la bd ou autre chose, j’ai aussi fait des études de scénographie, de design d’espace avant de faire de l’animation. Donc beaucoup de choses différentes mais ce qui m’a plu dans l’animation c’est la possibilité de pouvoir mélanger tout ce que j’aimais : le dessin, le son et bien sur pouvoir raconter une histoire, et en plus avec l’animation ça bouge !
Mais à la base c’est vraiment une envie de dessin, il faut dire que dans ma famille il y a pas mal de dessinateurs.

Donc si tu choisis finalement l’animation c’est pour le mouvement?

En fait j’aimais bien tout ce qui était création dans plein de domaine, j’ai fait beaucoup de volume, j’ai fait de la sculpture pour des choses diverses comme des obstacles pour courses hippiques par exemple ! J’aime beaucoup le coté manuel des choses.
Mais maintenant que je peux m’exprimer par l’animation je n’ai plus envie de faire autre chose !  

Tu te rappelles des premiers films d’animations que tu as vu ?
C’était une série en silhouettes genre papiers découpés, sur FR3, un peu à la Lotte Reiniger. C’était basée sur des contes ça m’a vraiment marqué. Quand est ce que tu décides de te lancer dans l’animation, juste après le bac? En fait je fais un bac scientifique, et ensuite je vais dans une école d’art appliqué.

Où ça ?
A l’Esaat à Roubaix puis ils ont décidé de créer un DMA en cinéma d’animation, et j’ai fait partie de la première promo ! Je pense que si il n’avait pas eu la bonne idée de créer ce DMA je n’aurais peut-être jamais fait d’animation

Puis tu présentes les Gobelins, c’était une évidence cette école pour toi ?
J’ai fait le concours un peu comme ça , si je n’avais pas été pris j’aurais essayé de trouver du boulot tout de suite plutôt que de vouloir le retenter l’année d’après. Mais j’ai été pris donc…
Et puis c’est une école qui est loin des reproches que l’on peut lui faire quand on est à l’extérieur.

En quelle année tu y es rentré ?
Ça devait être en 2001

A l’époque François Darrasse et Roger Grange y sont toujours ?
Oui je crois que ça devait être la dernière année de François en tant que permanent. C’est vrai que ces deux entités fortes permettaient de ne pas tomber uniquement dans le technique, sûrement grâce à leur grande connaissance du cinéma d’auteur.

Tu finis les Gobelins, à l’époque c’était encore en deux ans ?
Oui tout à fait

Puis après Les Films du Nord …
A la fin des Gobelins je devais faire un stage, mais comme je suis assez flemmard j’ai attendu le dernier moment. Heureusement j’avais un ami qui était dans la même promo du DMA que moi et qui travaillait aux Films du Nord avec Arnaud Demuinck depuis deux ans. Je l’ai appelé pour lui dire que j’avais besoin d’un stage de deux semaines.
Et peu de temps après je me retrouve aux Films du Nord pour faire mon stage et comme cela se passe bien je montre le projet de Chahut à Arnaud. Il lit donc le projet pendant mon stage Et là il me propose de produire le film.Et en attendant il me propose de bosser sur les productions en cours !

Donc tout est parti d’un coup de cœur d’Arnaud, c’est une belle prise de risque de sa part ?
D’autant plus que j’avais aucun bagage mis à part le bon déroulement du stage !

Et ça fait combien de temps que tu travailles pour les Films du Nord ?
Trois ans.

Les Films du Nord existent depuis combien de temps ?
Une dizaine d’années mais la production de films d’animation a commencé réellement il y a 4-5 ans. Et depuis quelques mois on s’est même lancé complètement dans l’animation.

C’est une manière de travailler particulière, les films du nord, tout le monde travaille sur les films des autres ?
Oui Arnaud décrit ça comme une famille. C’est son coté paternel !

Vous êtes combien dans l’équipe ?
Cela dépend des films. De permanent il y a trois autres personnes en plus de moi. Il y a Gabriel Jacquel qui apparaît dans tous les génériques souvent en tant qu’assistant réalisateur.

Lui n’a pas encore réaliser son film ?
Non et pourtant c’est le plus ancien membre de l’équipe. Mais il le prépare on le commence cet été. C’est le plus ancien et c’est celui qui fait son film en dernier. Il faut dire que c’est lui qui gère les équipes ce qu’il ne lui laisse pas trop de temps. Puis il y a Claire Trollet et Samuel Guennolet, qui eux aussi sont arrivés en stage et qui maintenant travaillent sur les films. Et Nicolas Ligori qui lui navigue entre Folimage et Les Films Du Nord, il est d’ailleurs en train d’y finir un film dont il a fait la charte graphique : Marotte de Benoit Razi, qui était l’un des assistants sur La Prophétie des Grenouilles.
Et il y a une équipe en Belgique dirigée par Vincent Bierrewaerts le réalisateur du Portefeuille.

Vous réalisez combien de films par an ?
Cette année on en a fait 4. Mais je pense qu’on va se freiner un peu.

Et donc avant de travailler sur ton propre film tu as travaillé sur ceux des autres ?
Sur les 3/4 des films  

Et le premier films sur lequel tu bosses ?
C’était l’Ecrivain de Frits Standaert. J’étais assistant animateur et je travaillais en parallèle sur Le Portefeuille.

Sur les deux projets en même temps ?
Oui car pendant que j’attendais les plans en provenance du Portugal, car l’Ecrivain a été animé au Portugal je pouvais travailler sur les décors du Portefeuille.

Ce n’est pas trop contraignant ?
Non j’avoue que cela me faisait même des vacances car l’assistanat en animation c’est quelque chose d’assez contraignant donc ça me faisait souffler il faut dire que je n’avais pas grande responsabilité sur Le Portefeuille, et les décors sont assez « simples ».

Après Le Portefeuille ?
C’était Bonhommes de Cecilia Marreiros Marum. Et pour celui là je suis passé assistant réalisateur et animateur, ce qui m’a permis de connaître ces différents postes en les pratiquant !
Et puis après j’ai été assistant réalisateur et j’ai dessiné toute la charte graphique de Signes de Vie d’Arnaud. Donc ça allait en augmentant !

Et pendant que tu travaillais sur tous ces films tu développais Chahut ?
Oui entre deux projets je développais un peu mon film. Mais de toute façon le dossier que j’avais présenté à Arnaud était assez complet. Il y avait déjà tout le storyboard et il n’y a pas eu beaucoup de retouches. Le dossier était prêt dés mon arrivée pour mon stage.

Tu te souviens des « origines » de Chahut ?
Je crois que c’est parti d’un exercice aux Gobelins. Il fallait faire un exercice en animation limitée ce qui est loin d’être le cas de Chahut au final ! J’avais donc griffonné un personnage qui ressemble à ce que l’on peut voir sur les recherches.
Et puis je suis un gars du nord de la France, et le carnaval de Dunkerque m’a toujours fasciné, même si je n’y avais jamais été. Mais ça m’intriguait donc je me suis renseigné dessus, et puis j’ai commencé à faire un storyboard sans savoir ou j’allais, j’avais juste un début et pas de fin. L’histoire d’un carnavaleux qui se réveille et il n’y a plus personne.
Je suis parti de là, je faisais le storyboard en rentrant des cours et en une semaine j’avais mon storyboard complet !

Avec la fin ?
En une semaine j’avais réussi à trouver une fin. Et c’est ce storyboard qu’on a utilisé pour faire le film au final. Rien n’a changé ! Evidemment ça ne m’est plus jamais arrivé depuis je suis bien plus long maintenant. Au départ ce storyboard était uniquement pour mon book sans penser qu’il serait fait un jour.

Donc l’histoire est venue de tes origines ?
Mon oncle est un dessinateur de presse de la région et c’est quelqu’un de très érudit en ce qui concerne l’histoire, les traditions et les coutumes du Nord et c’est quelqu’un qui m’a toujours fasciné. Il peut faire des fresques avec un trait assez naïf, avec des dizaines de personnages et des détails et toujours très documentées, sur tel ou tel événement.
Ça m’a toujours fasciné son coté amoureux de sa région, alors qu’à la base elle n’est pas forcément attirante. Moi de mon côté j’ai été baigné dans cet univers là mais je ne voulais pas faire quelque chose de descriptif sur les coutumes du Nord. Je voulais prendre le contre-pied de cela. Et donc prendre quelque chose de très local pour arriver à quelque chose de très personnel.

Et donc tu choisis le carnaval, tu n’y as d’ailleurs été que très récemment ?
Oui pour m’imprégner de l’ambiance faire quelques photos. Je n’y avais jamais participé avant. Ce n’est vraiment pas un film sur le Carnaval.

D’ailleurs le carnaval n’apparaît quasiment qu’en son ?
Il y a quand même les images du début. Même si à la base il ne devait même pas y en avoir. Mais j’ai quand même voulu en mettre pour que ce soit moins abstrait, que l’on situe plus l’histoire. Qu’il n’y ait pas de confusion possible.

C’est plus un film qui se nourrit d’une ambiance ?
Oui plus un film de sensations, je pense. En tout cas j’ai tenté de faire ça. Après j’espère que les spectateurs le verront comme ça. Comment as-tu trouvé la bonne « texture », les bonnes couleurs pour le film.

Car elles participent énormément de l’ambiance que tu réussi à créer ?
C’est marrant parce qu’au départ le film était beaucoup plus sombre dans mes premières recherches. Et lorsque je suis allé en repérages à Dunkerque pour l’architecture notamment. Et bien ce jour là c’était une magnifique journée d’hiver. On a fait le parcours qu’effectue le personnage dans le film. Le début a été radieux et à la fin le temps était devenu très nuageux avec des lumières typiques du coin. Et j’ai finalement gardé ce déroulement du temps dans le film. Et en fait les lumières sont très inspirées de ce qu’on a vu ce jour là.
Par la suite j’ai fait des recherches pour que les couleurs correspondent bien à ce jour là. Et puis finalement c’est beaucoup plus original de commencer avec du beau temps au départ !

Cela permet de faire finalement un beau décalage entre ce que vit le personnage tout au long du film son angoisse du début contrastant avec le beau temps. Et le temps plus sombre de la fin à l’opposé de ….
Le hasard fait parfois bien les choses. Et c’est plutôt bien car j’essaye de pas figer les choses. J’aime bien me laisser surprendre du moment que ça me semble aller dans le sens du film.
A noter que les couleurs du film doivent beaucoup au décorateur du film qui était Yann Vilain, il partait des décors référents que je faisais et il s’en inspirait pour s’occuper de toute la séquence. Il a fait un excellent boulot. Son premier en plus. Il a apporté au film quelque chose que je n’aurais pas pu faire tout seul. Et l’ambiance finale lui doit beaucoup ! Et malheureusement on l’a oublié au générique !
Et ça j’arrive pas à m’en remettre ! C’était la veille du Kinescopage, une nuit blanche….

Donc l’animation, même en court métrage, c’est finalement un vrai travail d’équipe ?
Oui moi je considère que ce n’est pas mon film mais notre film. Surtout dans une équipe aussi réduite. Tous ces gens tu les vois pendant des mois et tu vis presque avec eux. Et comme il n’y a pas de problème d’ego au sein de l’équipe, je suis le réalisateur mais si Gabriel trouve que quelque chose ne va pas il va me le dire. On discute d’égal à égal. On se dit tout.

C’est la force des Films du Nord, cette cohésion?
Il y a bien quelques fois où ça n’a pas été. Mais là on a trouvé un bon équilibre. En plus je pense qu’il y a un fil conducteur entre tous les films, ça aide !

Et en ce qui concerne la fin ?
Pour moi c’est une fin positive, grâce à la musique aussi, il y a une certaine mélancolie.

Il va quand même jusqu’au bout…
Pour moi il continue mais il ne meurt pas. Beaucoup de gens qui avaient lu le scénario pensaient que la fin serait plus triste et quand ils ont vu le film monté sonorisé ils ont changé d’avis. Mais je suppose que l’on peut trouver de nombreux sens, de nombreuses symboliques dans cette fin auxquels je n’avais même pas pensé.

Ce qui est surprenant pour moi c’est justement cela. Ce paradoxe d’une fin plutôt dure mais qui n’est pas triste justement. On est heureux pour le personnage car ce qu’il fait est inéluctable.
En fait je voulais que l’on sente que pour lui c’est un soulagement pour lui d’aller dans l’eau

Pourtant si on veut être rationnel, il va à sa perte…
Oui mais pour moi en effet il ne pouvait pas faire autrement. J’ai une anecdote. Une petite fille de sept ans a vu le film et au moment de la pluie de poissons elle a dit « ben le monsieur il a qu’à aller dans la mer puisque les poissons sont là ! ». Et donc quand le personnage arrive dans la mer elle n’a pas trouvé ça triste pour elle c’était normal !
Et donc elle avait parfaitement compris ce que je voulais faire. Ça m’a rassuré sur le film.Finalement l’esprit logique d’un enfant réussissait à bien expliquer le film !

Alors que nous adultes si on accepte ces événements, comme la pluie de poissons, on les prend pour des phénomènes irrationnels, étranges…
Sauf peut-être pour les gens qui connaissent bien le carnaval !

Pourquoi ?
Car en fait cette pluie de poissons vient d’un événement à l’intérieur du carnaval que l’on voit très vite au début, lors d’un plan rapide. Pendant le carnaval le maire jette des harengs du haut de la mairie. Mais il était quand même important pour moi que les gens qui ne connaissent pas le carnaval acceptent cette scène.

Je suppose que même pour les gens qui connaissent le carnaval ça doit être surprenant car c’est une vraie pluie de poisson !
Oui c’est une drache comme on dit chez nous !

Est-ce que c’est le seul point qui fait référence au carnaval ?
Ça et puis les parapluies qui sont l’un des accessoires principaux des carnavaleux. Et puis quelques autres encore, mais qui ne peuvent être compris que par les gens qui connaissent vraiment bien le carnaval. Notamment un moment donné le personnage se retrouve sur la place de Dunkerque devant la statue de Jean Bart, qui est le héros de la ville, et traditionnellement les carnavaleux se retrouvent autour de cette statue et chantent un air à Jean Bart, c’est d’ailleurs encore une scène que l’on aperçoit brièvement dans l’intro du film.
Donc en filigrane on retrouve quelques moments forts du carnaval.

Et puis il y a ce personnage qui fait un peu penser à la Yolande Moreau de Quand la mer monte. Comme Gilles Porte tu t’attaches à ce personnage et tu le met en scène de manière très tendre.
Je voulais vraiment qu’on s’attache à ce personnage. Il est enrobé mais gracieux mais en talons aiguilles dans le sable. Je voulais cette ambiguïté.A un niveau technique je voulais pas d’esbroufe au niveau de l’animation, je voulais qu’elle soit fluide certes mais je voulais pas de sur jeu je voulais que ça reste assez sobre dans les mouvements du personnage.

Et ce que tu te sens proche de la prise de vues réelles dans ta manière de réaliser ?
J’avoue que je n’ai pas pensé à Chahut comme un film d’animation ou de prises de vues réelles mais c’est avant tout l’histoire qui m’a motivé, et comme le dessin est ma manière de m’exprimer …
Je pense que c’est justement ce qui me plait dans l’animation c’est que l’on peut mélanger différents arts : cinéma, dessin, peinture, musique…

Est-ce que tu travailles déjà sur quelque chose d’autre ?
On va réaliser un film à trois sur la danse.

Et est-ce que tu as déjà un autre film dans la tête, que tu réaliserais seul ?
J’ai deux trois projets, dont un sur lequel j’ai commencé quelques recherches. J’aimerais continuer à développer un autre film qui se passe dans le nord. Toujours en utilisant ce que je connais du Nord pour le détourner.

Tu veux devenir le cinéaste d’animation spécialisé dans le nord ?
Surtout pas ! Ça part juste d’une envie personnelle peut –être même que je ferais ce film dans dix ans !

Et est-ce qu’un réalisateur de court pense forcément au long ?
Oui sûrement. Mais pour être clair je fais des courts pour dire certaines choses, ce n’est pas pour moi une étape pour passer au long. Si je suis en train d’écrire un court en ce moment c’est parce que j’en ai envie pas en attendant de faire un long. Et puis j’aime l’idée avec le court de pouvoir changer de graphisme, de style à chaque fois…

Bon et ça fait quoi cette sélection pour son premier film à Annecy ?
C’est une grande joie ! Ma culture de l’animation est très récente et je l’ai vraiment approfondi lors du festival, tous les courts d’auteurs, je ne connais pas ça depuis très longtemps et ça m’est venu d’Annecy ! Donc quand on a une certaine vision de l’animation et qu’on est choisi par un festival aussi important, ça te conforte dans la voie que tu as choisie.

Et est-ce que cela t’angoisse le fait que Chahut va être découvert par des gens qui n’ont absolument aucun rapport culturel avec ce que tu montres (le carnaval, le nord de la France…)
Ça m’amuse énormément en fait !

Propos recueillis en mai 2005 par Alexis Hunot

 

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